actus

1/ Le dénigrement est une construction jurisprudentielle qui sanctionne une atteinte à des produits ou des services sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil.

Il peut être défini en ce qu’il « consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier ».

(CA PARIS, 07 juin 2017, n°14/17158)

Il se distingue de la diffamation qui est l’atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne régie par les dispositions de la loi sur la liberté de la presse de 1881.

La diffamation est définie par son article 29, alinéa 1er, comme « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

2/ Par un arrêt de principe du 9 janvier 2019, la Cour de cassation a énoncé que :

« Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure ».

(Cass., com, 9 janvier 2019, n°17-18350)

Ainsi, le dénigrement ne peut être caractérisé que si trois conditions sont réunies :
- L’information se rapporte à un sujet d’intérêt général,
- L’information repose sur une base factuelle suffisante,
- L’information est exprimée dans une certaine mesure.

Il résulte également de cet attendu de principe qu’il est indifférent que les parties soient ou non dans une situation de concurrence directe.

Deux décisions récentes ont été rendues dans le prolongement de cet arrêt.

3/ Dans un arrêt du 8 janvier 2020, la Cour d’appel de PARIS semble avoir adopté une position plus restreinte.

Elle a caractérisé le dégriment en précisant que les allégations provenaient d’une société concurrente de la même spécialité :

« Il en résulte que les allégations qui n’ont pour objet que de mettre en cause la qualité des prestations fournies par une société, même si elles visent une société nommément désignée ou son dirigeant, relèvent du dénigrement, dans la mesure où elles émanent d’une société concurrente de la même spécialité exerçant dans le même secteur et sont proférées dans le but manifeste d’en détourner la clientèle. »

Elle a ensuite rappelé la différence entre diffamation et dénigrement concernant une deuxième série de propos litigieux :

« A l’évidence ces propos imputés à M. X visent uniquement la société intimée, personne morale et son dirigeant parfaitement identifiés à l’exclusion de ses produits ou services puisqu’ils n’ont pas pour objet de mettre en cause la qualité des prestations fournies par la société Qwant mais portent sur le comportement de cette dernière et sont susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ».

Elle a finalement conclu qu’« il en résulte que les propos incriminés ne peuvent manifestement pas constituer des actes de dénigrement et sont susceptibles de revêtir la qualification de diffamation de sorte qu'ils auraient dû faire l'objet de poursuites sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. ».

La caractérisation d’un acte de dénigrement et de diffamation est en effet fondamentale afin de suivre la procédure adéquate pour obtenir réparation.

(CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 8 janv. 2020, n° 19/12952)

4/ De son côté, le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES a rappelé les principes énoncés par la Cour de cassation dans une ordonnance du 5 mars 2020.

Dans cette affaire, la Fédération Française des Industries des Aliments Conservés (FIAC) demandait au Tribunal d’interdire à YUCA de diffuser ou de publier tout contenu ou tout article faisant l’amalgame entre les conserves et l’aluminium ou faisant croire que les conserves seraient impactées par le risque lié à l’aluminium.

Elle soutenait que les allégations de YUKA (« Conserves et aluminium : à éviter au maximum » et « astuce»« 1. Evitez au maximum la consommation d’aliments ayant été en contact avec l’aluminium (canettes de soda, etc.) » constituaient un dénigrement des conserves et des aliments conservés et par voie de conséquence de la FIAC au visa de l’article 1240 du Code civil.

En reprenant l’attendu de principe de la Cour de cassation, le Président du Tribunal de commerce de VERSAILLES a ordonné la suppression des propos litigieux au motif que « la tonalité des propos contenus dans le blog manque de mesure par une généralisation abusive relative à tous les emballages dans lesquelles les aliments sont conservés ;que l’information transmise par l’article litigieux manque aussi de base factuelle suffisante , qu’elle se fonde sur une source unique, laquelle est citée à mauvais escient et interprétée de manière extensive » et que « l’impact sur le consommateur est sensible ».

(Tribunal de commerce de VERSAILLES, ord., 5 mars 2020, FIAC/YUKA)

La Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (Loi Pacte) a créé le fonds de pérennité économique.

Il s’agit d’un fonds « constitué par l'apport gratuit et irrévocable des titres de capital ou de parts sociales d'une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou détenant directement ou indirectement des participations dans une ou plusieurs sociétés exerçant une telle activité, réalisé par un ou plusieurs fondateurs afin que ce fonds gère ces titres ou parts, exerce les droits qui y sont attachés et utilise ses ressources dans le but de contribuer à la pérennité économique de cette ou de ces sociétés et puisse réaliser ou financer des œuvres ou des missions d'intérêt général. ».

Inspiré des Pays du Nord, l’objectif du dispositif est d’encourager le développement d’un capitalisme responsable.

Comment le constituer ?

  • Rédaction des statuts

Les statuts doivent être établis par écrit.

Ils déterminent notamment la dénomination, l'objet, le siège et les modalités de fonctionnement du fonds de pérennité ainsi que la composition, les conditions de nomination et de renouvellement du conseil d'administration et du comité de gestion.

  • Détermination de l’objet du fonds

L'objet du fonds comprend :

  • l'indication des principes et objectifs appliqués à la gestion des titres ou parts de la ou des sociétés, à l'exercice des droits qui y sont attachés et à l'utilisation des ressources du fonds,
  • l'indication des actions envisagées dans ce cadre,
  • le cas échéant, l'indication des œuvres ou des missions d'intérêt général qu'il entend réaliser ou financer.
  • Dotation

La dotation du fonds de pérennité est composée des titres ou parts apportés par le ou les fondateurs lors de sa constitution, ainsi que des biens et droits de toute nature qui peuvent lui être apportés à titre gratuit et irrévocable. L'article 910 du code civil n'est pas applicable à ces libéralités.

  • Déclaration en préfecture

Le fonds de pérennité est déclaré à la préfecture du département dans le ressort duquel il a son siège social.

Cette déclaration est assortie du dépôt de ses statuts, auxquels est annexée l'indication des titres ou parts rendus inaliénables.

Le fonds de pérennité jouit de la personnalité morale à compter de la date de publication au Journal officiel de la déclaration faite en préfecture.

Quels actifs ?

  • Titres et parts

La dotation du fonds de pérennité est composée des titres ou parts apportés par le ou les fondateurs lors de sa constitution, ainsi que des biens et droits de toute nature qui peuvent lui être apportés à titre gratuit et irrévocable.
Les titres de capital ou parts sociales de la ou des sociétés sont en principe inaliénables.

  • Fonds public

Aucun fonds public, de quelque nature qu'il soit, ne peut être versé à un fonds de pérennité.

  • Ressources

Les ressources du fonds de pérennité sont constituées des revenus et produits de sa dotation, des produits des activités autorisées par les statuts et des produits des rétributions pour service rendu.
Le fonds de pérennité dispose librement de ses ressources dans la limite de son objet.

  • Legs

Un legs peut être fait au profit d'un fonds de pérennité qui n'existe pas au jour de l'ouverture de la succession à condition que le testateur ait désigné une ou plusieurs personnes chargées de le constituer et qu'il acquière la personnalité morale dans l'année suivant l'ouverture de la succession.

Dans ce cas, la personnalité morale du fonds de pérennité rétroagit au jour de l'ouverture de la succession. A défaut, le legs est nul.

Comment le gérer ?

  • Conseil d’administration

Le fonds de pérennité est administré par un conseil d'administration.

Celui-ci comprend au moins trois membres nommés, la première fois, par le ou les fondateurs ou les personnes désignées par le testateur pour le constituer.

Le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom du fonds de pérennité, dans la limite de son objet. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs du conseil d'administration qui résultent du présent alinéa sont inopposables aux tiers.

Dans les rapports avec les tiers, le conseil d'administration engage le fonds de pérennité par les actes entrant dans son objet. Les actes réalisés en dehors de cet objet sont nuls, sans que cette nullité ne soit opposable aux tiers de bonne foi.

  • Comité de gestion

Les statuts du fonds de pérennité prévoient la création, auprès du conseil d'administration, d'un comité de gestion.

Il est composé d'au moins un membre du conseil d'administration et de deux membres non membres de ce conseil.

Ce comité est chargé du suivi permanent de la ou des sociétés et formule des recommandations au conseil d'administration portant sur la gestion financière de la dotation, sur l'exercice des droits attachés aux titres ou parts détenus ainsi que sur les actions, et les besoins financiers associés, permettant de contribuer à la pérennité économique de ces sociétés.

Ce comité peut également proposer des études et des expertises.

  •  Bilan et comptes

Le fonds de pérennité établit chaque année des comptes qui comprennent au moins un bilan et un compte de résultat.

Ces comptes sont publiés dans un délai de six mois suivant la clôture de l'exercice.

  • Commissaire aux comptes et contrôle du fonctionnement par l’administration

Le fonds de pérennité nomme au moins un commissaire aux comptes dès lors que le montant total de ses ressources dépasse 10 000 € à la clôture du dernier exercice.

Lorsque le commissaire aux comptes relève, à l'occasion de l'exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'activité du fonds, il informe le conseil d'administration et recueille ses explications.

A défaut de réponse ou si les mesures prises lui apparaissent insuffisantes, il établit un rapport spécial qu'il remet au conseil d'administration et dont la copie est communiquée au comité de gestion et à l'autorité administrative, et invite le conseil à délibérer sur les faits relevés.

L'autorité administrative s'assure de la régularité du fonctionnement du fonds de pérennité. A cette fin, elle peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles.

Le fonds de pérennité adresse chaque année à l'autorité administrative :
- un rapport d'activité
- le rapport du commissaire aux comptes
- les comptes annuels.

Si l'autorité administrative constate des dysfonctionnements graves affectant la réalisation de l'objet du fonds de pérennité, elle peut, après mise en demeure non suivie d'effet, décider, par un acte motivé qui fait l'objet d'une publication au Journal officiel, de saisir l'autorité judiciaire aux fins de sa dissolution.

Fiscalité

Si les conditions sont réunies, sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès, entre vifs ou, en pleine propriété. (Article 787 B du Code général des impôts)

***

Le décret n° 2020-537 du 7 mai 2020 a précisé certains éléments relatifs aux formalités de constitution, aux modalités de contrôle par l'autorité administrative, aux missions du commissaire aux comptes, et la dissolution des fonds de pérennité.

Retrouvez le sur :
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/5/7/ECOT2005397D/jo/texte

Le décret n°2020-552 du 12 mai 2020 a prolongé au mois de mai le fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19.

Il étend, à compter des pertes d’avril, le bénéfice du fonds aux entreprises créées en février 2020 et à celles dont le dirigeant a perçu moins de 1 500 € de pension de retraite ou d’indemnités journalières durant le mois considéré. Il ouvre le deuxième volet du fonds aux entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public qui n’ont pas de salarié et ont un chiffre d’affaires annuel supérieure à 8 000 €.

Dans un arrêt du 25 mars 2020, la Cour de cassation a retenu que « lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l’employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu’un licenciement, n’est pas tenu de convoquer l’intéressé à un nouvel entretien préalable ».

En l’espèce, après le refus par le salarié d’une mesure de rétrogradation proposée à la suite d’un entretien disciplinaire, l’employeur a pu lui notifier une mesure de mise à pied disciplinaire sans le convoquer préalablement à un nouvel entretien.
(Cass. soc., 25 mars 2020, n°18-11433)

L’article 6 de la loi 2020-546 du 11 mai 2020 a inséré un nouvel article L 1226-9-1 au sein du Code du travail. Sont désormais applicables, aux personnes mises en quarantaine (c'est-à-dire les personnes suspectes mais pas malades), mentionnées 3° du I de l’article L 3131-15 du Code de la santé publique, les dispositions des articles L 1226-7 à L 1226-9 du Code du travail relatifs à la suspension du contrat de travail et à la protection contre sa rupture en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

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